LES ENFANTS ET LES ÉCRANS

LES OUTILS NUMÉRIQUES
AU SEIN DE LA FAMILLE,
POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE ?

En 2008, j’écrivais déjà que les enfants entre 2 et 3 ans avaient beaucoup de mal à restituer une histoire qu’ils avaient visualisé à la télévision contrairement aux enfants à qui on avait raconté une histoire à l’aide d’un livre.

Avec l’explosion du numérique, l’utilisation des écrans au sein des familles a changé, et nous questionne.

Aujourd’hui les outils numériques se sont introduits au sein de la famille. Ces outils peuvent avoir des effets négatifs sur le développement des enfants ou au contraire, ils peuvent contribuer de façon bénéfique à la structuration cognitive du cerveau. Cela va dépendre de notre manière de l’utiliser comme support pédagogique.

L’IMPORTANCE DE LA RELATION DURANT LES PREMIÈRES ANNÉES

C’est le regard qui est au centre des premières interactions de l’enfant et du monde qui l’entoure. Dès sa naissance, le petit enfant comprend que l’autre à une place capitale dans son développement. Toutes les interactions, toutes les expériences, toutes les utilisations d’objet que l’enfant rencontre dans son environnement, stimulent ses apprentissages et développent son cerveau. Durant cette période, les synapses poursuivent leur évolution et des connexions neuronales se créent en permanence. De nouvelles connections apparaissent, s’organisent et se renforcent tandis que d’autres s’affaiblissent et disparaissent du fait de leur non utilisation. Lorsque les écrans envahissent la vie du petit enfant, son univers sensoriel s’appauvrit, il est tellement captivé par la brillance des écrans qu’il ignore les personnes de son entourage, ce qui le coupe de tout apprentissage.

La stimulation du bébé par son entourage,

  • lui permet d’apprendre à décoder les mimiques faciales,
  • à se familiariser à la mélodie de la langue parlée à la maison.
  • Cela lui donne aussi la possibilité d’interagir avec l’autre sur des objets.

Tous ces apprentissages contribuent à la mise en place de la fonction de communication.

Lorsque les écrans prennent la place de toutes les personnes s’occupant eux,

  • ils ne sont plus dans la préparation à s’exprimer,
  • il ne communique plus par gestes,
  • ils ne développent plus leur créativité.

La communication ne peut se construire que lorsque l’enfant partage des expériences avec son entourage.

APPRENTISSAGE ET TÉLÉVISION

Les résultats sur l’apprentissage via la télévision ont démontré

  • que l’ancrage de cet apprentissage était moins solide que celui partagé par un enseignant en présentiel.
  • Il semblerait que cet apprentissage ne perdure pas dans le temps et ne serait pas transférable à d’autres tâches.

Lorsque l’enfant apprend en regardant la télévision, il est complétement passif, il n’y a aucune interaction. Les interactions étant indubitablement un élément essentiel de l’apprentissage (1). Toutefois, il est fondamental de tenir compte de l’importance des échanges entre les parents et les enfants avant la projection de dessins animés. Ces échanges permettaient aux enfants de comprendre l’histoire et de retenir le vocabulaire (2). Lorsque les adultes et les enfants regardent ensemble la télévision, de manière raisonnable, ils partagent un moment de détente, engageant l’attention conjointe. Toutes les expériences sensorielles rencontrées par l’enfant sont interdépendantes les unes des autres et sont fondamentales pour le développement des capacités cognitives, motrices et émotionnelles, affectives, et sociales.

Quand la télévision est allumée que les parents interagissent avec leurs enfants, les apprentissages seront moins productifs en comparaison aux échanges sans la télévision. En effet, celle-ci capte l’attention des parents et des enfants et défavorise les échanges. La stimulation visuelle fournie par la télévision instaure un aimant attentionnel auquel personne ne peut résister (3). De plus, lorsqu’une télévision est allumée dans une pièce où les enfants sont en train de jouer, même si l’enfant n’est attiré par l’écran que quelques seconds. Il perd environ 20 % de son temps de jeu. En effet, cela à un coût cognitif car Il doit faire appel à d’autres fonctions cognitives pour retourner dans le jeu.

LIVRE PAPIER VERSUS
LIVRE NUMÉRIQUE

La comparaison du livre papier versus livre numérique, les avantages du livre papier indiquent que (4) :

  • la lecture d’un texte sur papier facilite la compréhension.
  • que l’attention diminue plus rapidement lorsque l’on accomplit une tâche sur écran plutôt que sur papier.
  • que les lecteurs sur écran surestiment l’appropriation de connaissances.

Les outils numériques peuvent être profitables mais ne semble pas être toujours les meilleurs supports pour comprendre et apprendre.

LES TROUBLES LIÉS
AUX OUTILS NUMÉRIQUES

Si l’enfant reste trop devant les écrans, il est coupé de son environnement. De ce fait, son développement subit une transformation, une mutation. Des pédopsychiatres, des psychologues, des orthophonistes ont identifié et décrit des effets risqués sur les fonctions cognitives, la scolarité, le langage, l’attention, le sommeil, l’agressivité. Ils les ont classés en trois grandes catégories : les retards de développement, des troubles du comportement, et des troubles graves de la communication et de la relation.

  • Les retards de développement sont de plusieurs ordres :
  • Des retards de motricité globale,
  • Des retards de motricité fine et de micro motricité.
  • Des retards cognitifs
  • Des retards de langage.
  • Les enfants ont aussi des troubles du comportement variés
    • Ils ne jouent plus,
    • Ils ne parlent pas,
    • ils restent le crayon entre les mains sans rien faire,
    • ou demeure assis toute la journée.
    • Cela peut engendrer aussi des troubles de l’attention, de l’agitation.
    • Certains enfants peuvent aller jusqu’à être agressifs envers leurs paires.
  • Cela peut aussi toucher la relation et la communication.
  • Les enfants n’ont pas ou peu de langage,
  • ils ne répondent pas à leur prénom.
  • Ils ont des problèmes à soutenir le regard de l’autre.
  • La mise en place de l’attention conjointe et de la prise en compte de l’autre comme différent est difficile, voire impossible.

Les écrans sur-stimulent le cerveau de l’enfant dans certains domaines et affaiblissent dans d’autres comme le langage, la motricité, la communication, interaction.

POUR CONCLURE

Il est important de réintroduire au sein de la famille des activités adaptées aux âges des enfants, privilégier la communication de face à face. Les outils numériques peuvent servir de support d’apprentissage au même titre que le livre cependant ils ne doivent en aucun cas se substituer aux interactions avec l’entourage.

Pour aller plus loin

(3) Courage, M.L., & et Setliff, A.E. (2010). When babies watch television : attention-getting, attention-hlding, and the implcations for learning from video material. Developmental review, 30 (2), 220-238. (doi.org/10.1016/j.dr.2010.03.003)

(4) Delgado, P., Vargas, C., Ackerman, R., & Salmeron, L. (2018) Don’t throw away your printed books : A meta-analysis on the effects of reading media on reading comprehension. Educational Reasearch Review, 25, 23-38. (doi.org/10.1016/j.edurev.2018.09.003)

(2) Hudelot, CH., Van der Straten, A., Caracci-Simon, CH. (2003). Observation des pratiques audiovisuelle avec de jeunes enfants en crèche. L’enfant et le lien social perspectives de la psychologie du développement, 181-187. Editions Eres.

(1) Rizzolatti,G., & Craighero, L. (2004). The mirror-neuron system. Annual Review of Neuroscience, 27, 169-192. (doi.org/10.1146/annurev.neuro.27.070203.144230)

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